La fin d'un monde

Publié le par Tiger

 


En ce jour de médiatico-burlesque fin du monde, vous serez sans doute intéressé(e) de savoir que même si vous vous réveillez en pleine forme demain matin, le monde a peut-être réellement pris fin aujourd'hui. Ou hier. Ou demain. Comme ça, en douce, l'air de rien.  Enfin, en douce... Depuis l'Europe, c'est littéralement en douce. Depuis ailleurs, c'est moins sûr.


Etrangement, la fin du monde n'est pas spectaculaire : pas de météorite géante, pas d'invasion extra-terrestre, pas de doigt d'un dieu vengeur lançant depuis le ciel des éclairs foudroyants (peut-être, tout juste un majeur tendu, mais, tout bien considéré, pas de quoi fouetter un chat... et je m'y connais !). Pas spectaculaire, donc invisible : combien de journaux pour vraiment tirer le signal d'alarme, hors un écho léger et distordu lors de l'émission de quelques bulles nauséabondes remontant de l'enfer deci delà, écho vite relativisé par les experts, contre-experts et autres escrocs en mal de visibilité ?

Pourtant, si, la fin du monde est spectaculaire. Mais pas assez rapide. On parle de centimètres par an, au maximum. Ou à l'inverse de millions de tonnes, de milliards de dollars, de chiffres tellement énormes qu'ils en deviennent abstraits. Pas vraiment de quoi se sentir concerné...


Factuellement, la fin du monde a commencé avec l'ère industrielle, qui a donné aux descendants des seigneurs du Moyen-Âge (les riches, quoi...) de nouveaux moyens d'asseoir leur domination par la possession. Telle l'énigme de l'oeuf et de la poule, qui du capitalisme ou de l'industrie a engendré l'autre ? Sûrement les deux. En biologie, on s'appelle ça une symbiose.
L'augmentation du capital, sa théorisation, sa financiarisation, sa libéralisation, sa mondialisation, sa... C'est comme quand un avion se crashe : le drame n'est pas dû à une cause isolée, mais à un ensemble de causes qui se cumulent et s'enchaînent. Les probabilités sont inplacables : l'improbable finit toujours par se produire.


Tout ça pour en venir où ? Et bien je vais te le dire, cher(e) lecteur(trice). Mais d'abord, une petite question : ne t'est-il jamais arrivé, dans un moment de déprime ou d'exaltation, ou pour le plaisir, ou pour rien, de commettre un excès que tu savais irraisonnable et dont seul l'écoeurement ou la proximité d'un danger imminent t'a indiqué qu'il était temps darrêter ? Alcool, chocolat, sport, sexe, vitesse... Vous, les humains, vous pensant supérieurs, vous croyant maîtres de votre destinée, de celle des autres et, collectivement, du monde, n'êtes pas des êtres de raison. Nous autres, animaux, cessons de manger lorsque nous n'avons plus faim, nous retirons du monde lorsqu'il est nécessaire de nous protéger, savons que le monde n'est pas à nous, que nous n'en sommes qu'une infime partie.
Collectivement, vous ne fonctionnez pas autrement qu'en tant qu'individus. A l'échelle près. Une cuite, un excès alimentaire, ne durent que quelques heures, et les conséquences se résorbent en guère plus, la nature est bien faite. A l'échelle de la société, la goinfrerie de l'homme est beaucoup plus longue, la nature peut encaisser longtemps les excès, sur des dizaines, peut-être des centaines d'années. Les résorber, aussi. Mais la voracité de l'homme est  sans fin ; l'homme est puissant, l'homme n'est pas un animal, il n'en a ni les limites ni l'instinct.

 

Et donc, depuis le début de l'ère industrielle, l'homme, pour assouvir un plaisir qui est sans fin, se goinfre. Principalement à la ressource naturelle. Fossile, la ressource. Donc : extrêmement lente à se former. Et limitée, c'est évident, mais quand même si abondante. Grisé par sa puissance, prenant son pied en fermant ses yeux, l'homme se goinfre. De plus en plus. Le pétrole est à la société des hommes ce que l'héroine est à l'individu.
Ce faisant, l'homme empile ces petits riens qui font qu'à une autre échelle, un avion va se crasher. Et la nature encaisse.


Et la nature encaissait.


Et la nature cessa d'encaisser.

 

 

Pour tout comprendre du réchauffement climatique, des gaz à effets de serre, du protocole de Kyoto, du GIEC, de Claude Allègre (!), des bilans carbone, des énergies renouvelables ; pour comprendre pourquoi la fin du monde tel qu'on le connait a déjà commencé, et pourquoi le réchauffement a atteint un point de non-retour,  lisez D'URGENCE  Saison Brune de Philippe Squarzoni, une enquête en bande dessinée qui réussit le tour de force d'être à la fois concrète, pédagogique, facile à comprendre, intelligente et belle à regarder.

 

A coup sûr le cadeau le plus intelligent à offrir à Noël.

Saison Brune, de Philippe Squarzoni, éditions Delcourt, 476 pages, parution Mars 2012, ISBN 2756018082

 

Prix de l'Académie Française 2012 - Léon de Rosen

Prix du Jury - Festival de Lyon BD 2012

 

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